La ministre des Familles m’a invitée à déjeuner avec une poignée d’autres blogueuses pour nous présenter le nouveau livret destiné à mettre en confiance les parents débutants. Ce petit document bien fait et pratique multiplie les conseils utiles. Au passage, il critique clairement les punitions corporelles, un véritable scandale français sur lequel tous ensemble, citoyens et politiques, nous devons aller beaucoup plus loin.
Quand la ministre des Familles reçoit à déjeuner cinq blogueuses expertes en parentalité, on parle des familles en tous genres, des mères seules, de leurs enfants… et des progrès à accomplir pour toutes et tous. Ce 29 mars, Laurence Rossignol voulait connaître nos avis sur le nouveau Livret des Parents, une petite brochure distribuée à tous ceux qui se lancent dans la grande aventure de la parentalité.
D’abord merci à cette responsable politique de sa volonté d’écouter celles qui ont mis la parentalité au cœur de leurs préoccupations, et qui consacrent leur énergie à comprendre comment vivent les familles de 2016 : comment on y noue, bien ou mal, ce rapport unique qui fait qu’un adulte aide son enfant à grandir, et continue lui-même de grandir au passage. Oui, merci Madame de ne pas vous contenter des rapports de vos experts. Merci d’avoir fait entrer un peu de la « vraie vie » dans les murs bien protégés de votre ministère !
Le Livret des Parents est rythmé en six chapitres brefs, écrits de façon à être compris par tous. Le ton est simple, chaleureux, encourageant. On y lit d’emblée que « devenir parent, c’est poser un pied dans l’inconnu », et que se poser des questions ne signifie en rien que l’on est nul. Et surtout, pas de culpabilisation : il est normal de se sentir parfois épuisé. Les auteurs rappellent plusieurs fois qu’un nouveau parent doit se faire accompagner, aider, et qu’il n’est pas seul même s’il ne peut compter sur son entourage personnel. De nombreuses ressources publiques sont accessibles en cas de besoin, le Livret en fait la liste.
Au fil des seize pages, les petits nouveaux apprennent également qu’ils ont des droits dès la découverte de la grossesse, mais aussi des responsabilités : on leur rappelle même les principaux articles du Code Civil qui définissent celles-ci. Car oui, « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». Cela semble évident, mais le répéter ne peut pas faire de mal.
Ce qui fait du mal en revanche, ce sont les punitions corporelles. Le Livret des Parents rappelle en trois paragraphes qu’elles ne servent à rien. « Frapper un enfant (fessées, gifles, tapes, gestes brutaux) n’a aucune vertu éducative », lit-on notamment : « Les punitions corporelles et les phrases qui humilient n’apprennent pas à l’enfant à ne plus recommencer, mais génèrent un stress et peuvent avoir des conséquences sur son développement ».
C’est vraiment le moins que l’on puisse dire. Gifler son enfant, rappellent les psys, lui fait perdre ses moyens. Le petit « puni » risque de développer des phobies, un sentiment de culpabilité et un état d’insécurité permanent.
Oui, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais ce passage dans le Livret des Parents représente une avancée importante dans une France encore très frileuse à ce sujet. C’est bien, et c’est même mieux que bien : dans notre société bloquée, où tous les débats font peur, c’est un vrai progrès. Mais ce n’est pas encore assez : il faudra bien qu’on arrive à dire que frapper son enfant est une lourde erreur, une faute même.
Si cela n’est pas exprimé encore aussi nettement, c’est parce que la France, hélas, est aujourd’hui très en retard dans la condamnation des violences infligées par les parents à leurs enfants.
C’est un véritable scandale, pour lequel notre pays si moderne et avancé, si donneur de leçons au reste du monde parfois, est critiqué par l’ONU, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe.
Des preuves ? En 1990, la France ratifie la Convention internationale des droits de l’enfant. Neuf ans plus tard, elle adopte la Charte sociale européenne. Ces deux documents condamnent sans réserve les punitions corporelles, y compris dans le cadre familial. Et pourtant, rien n’a été fait depuis, aucune loi française n’est venue mettre notre pays en conformité avec ses propres engagements. Au point qu’à trois reprises (2003, 2005, 2012), la commission européenne des droits sociaux a accusé la France de ne pas tenir sa parole !
Notre pays a donc des lois condamnant le fait de frapper son conjoint, un collègue de travail ou n’importe quel adulte… mais pas son propre enfant. Les délits de violences volontaires entraînent de lourdes peines de prison, et les juges les considèrent à juste titre inadaptés à la répression des gifles, fessées, etc. infligées par les parents à leurs enfants. En bref, ils n’ont pas d’outils pour punir ces fautes pourtant dévastatrices pour le bien-être de l’enfant.
A quand un vrai débat public sur cette question ? A quand un engagement concret des partis politiques ?
Mélanie Schmidt-Ulmann, auteure, coach parentale et consultante en parentalité naturelle, www.lelaitdemaman.com
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